Cela fait à peine trois jours que nous avons atterri à Hanoi, et voilà qu'on s'apprête déjà à partir au petit matin pour le nord du pays...en bus ! Rien d'étonnant jusque là. Mais nouveau pays, nouveaux transports et nouvelles particularités, le conducteur nous remet un sac plastique pour nous déchausser, et cette fois-ci bien que le trajet se fasse de jour, nous sommes 'empilés' sur des sièges 'couchette'. C'est sympa pour dormir une petit heure mais bon. Soit.
Quelques heures plus tard, à peine le temps de descendre de notre couchette perchée pour se rechausser qu'on aperçoit dans l'embrasure de la porte du bus, une dizaine de têtes de femmes H'mongs, nous saluant gentiment. On se fraye un chemin pour sortir, je vois les lèvres des femmes bouger mais je n'écoute pas, mes muscles qui s'étaient pourtant détendus dans le bus sous la couverture soudain se sont crispés....de froid ! On a du perdre facilement 10 degrés. Le bus est déjà reparti et autour de nous c'est une brume stagnante, tachetée par les tissus multicolores des femmes H'mongs qui encerclaient encore les quelques touristes descendus du même bus. Deux femmes sont restées près de nous, l'une d'elle portant un enfant sur son dos. Elle s'appelle May et son sourire nous a rapidement accrochés. Elle comprend que nous sommes français et nous lance un petit "Bonjour, comment allez-vous?", une astuce attachante pour convaincre le chaland. Le nord du Vietnam abrite de nombreuses minorités ethniques comme les H'mongs, les Tays, les Zaos, les Zays. Et bon nombre d'entre eux habitent les villages alentours de Sapa, reculés dans les montagnes, au milieu des rizières en terrasse. Pour gagner leur vie, les femmes s'organisent pour accueillir les touristes dès leur sortie du bus et leur proposer des randonnées en montagne, pour atteindre leur village, et éventuellement y passer une nuit ou deux. L'office du tourisme nous précisera plus tard qu'il existe des guides homologués et que ces femmes n'en sont pas, pourtant on peut dire qu'elles y mettent leur énergie, leur cœur pour certaines. On peut même dire que les femmes H'mongs gravitent à Sapa, prêtes à faire visiter leur région ou bien à vendre leur artisanat, écharpes de couleurs qu'elles s'enroulent autour de la tête, bijoux fabriqués à partir de pièces de monnaie ou autre objet de recup' en argent, porte-monnaie ou bourse brodée.... Elles sont partout. L'une d'elle d'ailleurs m'a proposé un article, je lui répond en français que c'est joli, elle veut que je l'achète, je répond toujours en français: "non merci c'est gentil", je ne m'attendais pas à ce qu'elle répète après moi "c'est joli, c'est gentil". Du coup on retiendra la formule qui nous a bien fait sourire. Pour le moment nous avions d'autres priorités: se fournir en bonnet et gants, on avait renvoyé les bonnets achetés à Cusco pensant en avoir fini avec le froid, c'était sans compter sur les 1600 m d'altitude de Sapa et le début de l'hiver dans le nord Vietnam, et surveiller si le drap chauffant de l'hôtel fonctionnait réellement, parce que dans le nord même s'il fait froid et ben on chauffe pas ! Pourquoi ? Mystère....
Autre technique, nous sommes allé manger un Pho Bo, bouillon parfumé et garni d'émincés de bœuf et de nouilles de riz, LE plat typique du nord Vietnam. Et ça, ça réchauffe !
La brume grandissante envahissait les rues de Sapa, on n'y voyait plus rien, dans ces conditions pas question d'opter pour une randonnée guidée dans les montagnes embrumées. Le lendemain nous sommes allé récupérer une carte plus ou moins détaillée de la région, avec en tête l'idée de rejoindre les villages H'mongs en indépendants.
On a commencé par louer un scooter pour à peine plus de 2€, pour explorer l'ouest de Sapa et repérer le fameux sentier d'une randonnée qui part vers l'est en direction des villages en question, sentier non accessible aux véhicules et non signalé, nécessitant impérativement un guide d'après l'office du tourisme. Oui, oui, avons-nous répondu.
À l'ouest, c'est la grande route bitumée, qui mène à deux cascades à une quinzaine de kilomètres. C'était agréable car on a eu la chance d'avoir quelques rayons de soleil, et de prendre un thé pour nous réchauffer chez une commerçante qui nous tendait un pic de brochette sur lequel avait été grillé au charbon un oiseau, elle a du penser que ça nous donnerait faim, um pas trop... Plus tard on a changé de cap, on s'est heurté à l'entrée d'un village qui avait un barrage prévu pour collecter un ticket d'entrée ou droit de visite, mouais bof, on a fait demi tour et continué plus loin. C'était bien vu car dès que l'on a aperçu un village, on a laissé le scooter pour continuer à pied sur un petit chemin de terre, à gauche les champs, à droite quelques maisons en bois plutôt modestes. Nous n'avons pas tardé à croiser le regard et le sourire d'une H'mong noire (toute vêtue de noir contrairement au H'mongs fleur très colorées). Encore une fois on ne parle pas la même langue mais elle nous fait signe de la suivre dans sa maison. Son mari est en train de faire revenir des courgettes dans une poêle, sur un feu de bois. On avait emporté avec nous une petite bouteille de vodka qu'on souhaitait partager au gré de nos rencontres, des bonbons pour les enfants, de la vodka pour les grands. Et ce n'est pas les pousser à la consommation pas du tout, c'était au contraire très approprié car c'est comme ça qu'ils arrivent en partie à combattre le froid. On n'a rien vu venir mais pendant qu'on trinquait avec son mari, la dame avait préparé des bols de riz, mis les courgettes dans un plat, et découpé des morceaux de viande. Le repas était servi et c'est de bon cœur que nous avons mangé avec eux. Il n'était que 17h, nous n'avions pas vraiment faim, mais comment refuser tant d'hospitalité !
Puis vint le jour de la randonnée sans guide sur les chemins terreux au départ de Sapa. On a enfilé gants, écharpe, bonnet, collants, 4 ou 5 épaisseurs, polaire et imperméable. Un Pho Bo pour caler la faim et se réchauffer de l'intérieur, une bouteille d'eau pour la route, des barres de nougat/cacahuète/sésame pour les baisses d'énergie et c'est parti ! On s'est dirigé d'un pas franc vers le départ du sentier à 1km de là. Avec l'humidité ambiante et quelques pluies, le terrain de terre rouge avait déjà viré à de la boue. Même pas peur, on continue. À peine après avoir fait 200 mètres, le sentier se sépare en deux, aie aie aie....on n'a pas voulu prendre de guide les gens vont-ils nous renseigner ?? Et ben oui ! Et on en croise beaucoup des locaux par ici et c'est tant mieux, pas besoin de parler la même langue, on a la carte et on se dirige vers Sa Seng :-) pas de problème ! On a suivi notre chemin traversant les villages, tranquillement, témoins de quelques scènes de vie comme la fin de la classe et les enfants se ruant vers la sortie de l'école dans une effusion de joie, ou comme cette petite fille qui s'appliquait tant à laver et vider son rat avant de le cuisiner, il avait du se faire prendre à l'un de ces pièges communément utilisés dans ces villages, ou encore ces deux petits garçons qui tordaient à coup de machette un bout de ferraille pour se confectionner un jeu d'enfants. Plus loin on a aperçut cette femme frêle soulever un pan de tôle avant de remonter vers sa maison, et cet homme ivre titubant sur le chemin vaseux et en pleine conversation avec lui-même ou bien un être imaginaire, des enfants qui s'en allaient d'un pas décidé récupérer les cochons laissés en liberté pour la journée, et ce groupe de petits garçons occupés à un combat de toupies de bois auquel Laurent n'a pas hésité à participer ! Ahhhh...on pourrait passer du temps à raconter tous ces petits détails de vie qui nous apprennent tant sur ces populations isolées, assez pauvres, et qui paraissent tout de même en harmonie avec la vie qu'ils mènent.
Sans trop savoir comment, on est parvenu à rejoindre le village de May que nous avions croisé à notre arrivée, d'ailleurs c'est elle qui nous a reconnu, elle était devant sa maison au moment où nous arrivions au village. On était heureux de la retrouver, ce petit bout de femme au sourire si doux et si agréable. Elle nous a invité à entrer, nous a présenté à son mari, ses quatre enfants. Nous pensions faire une courte pause et repartir, il n'était que 15h, mais l'ambiance était familiale, on s'y sentait bien. Puis un couple de voisin nous a rejoint, on a dîné puis trinqué ensemble à l'eau de vie locale, une sorte d'alcool de riz. Peu à peu les éclats de rire se faisaient entendre de plus en plus fort (merci l'alcool de riz). Une soirée très agréable parmi les H'Mongs, nous sommes finalement restés dormir, la nuit est tombée bien vite, l'occasion pour nous de prolonger ces instants de partage et de complicité jusqu'au lendemain matin. Un grand merci à May et à sa famille pour tant d'hospitalité.
Le lendemain on est parti sous une petite bruine, on a rapidement retrouvé une route bitumée qu'on a longé sur près de 10km....c'était quand même moins drôle surtout que ce n'était que de la montée ! Contents d'avoir enfin atteint Sa Pa, nous n'avions plus qu'à nous détendre, profiter d'un dernier après-midi sans programme, avant de refaire nos sacs et reprendre les bus locaux pour rejoindre Bac Ha à 80km de là et 4/5h de bus tout de même.
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